Том 3. Публицистические произведения - страница 28
Si le Pape n’eût été que prêtre, c’est-à-dire si la Papauté fût restée fidèle à son origine, la Révolution n’aurait eu aucune prise sur elle, car la persécution n’en est pas une. Mais c’est l’élément mortel et périssable qu’elle s’est identifié qui la rend maintenant accessible à ses coups. C’est là le gage que depuis des siècles la Papauté romaine a donné par avance à la Révolution.
Et c’est ici, comme nous l’avons dit, que la logique souveraine de l’action providentielle s’est manifestée avec éclat. De toutes les institutions que la Papauté a enfantées depuis sa séparation d’avec l’Eglise Orthodoxe, celle qui a le plus profondément marqué cette séparation, qui la le plus aggravée, le plus consolidée, c’est sans nul doute la souveraineté temporelle du Pape. Et c’est précisément contre cette institution que nous voyons la Papauté venir se heurter aujourd’hui.
Depuis longtemps assurément le monde n’avait rien eu de comparable au spectacle qu’a offert la malheureuse Italie pendant les derniers temps qui ont précédé ses nouveaux désastres. Depuis longtemps nulle situation, nul fait historique n’avaient eu cette physionomie étrange. Il arrive parfois que des individus à la veille de quelque grand malheur se trouvent, sans motif apparent, subitement pris d’un accès de gaieté frénétique, d’hilarité furieuse — eh bien, ici c’est un peuple tout entier qui a été tout à coup saisi d’un accès de cette nature. Et cette fièvre, ce délire s’est soutenu, s’est propagé pendant des mois. Il y a eu un moment où il avait enlacé comme d’une chaîne électrique toutes les classes, toutes les conditions de la société et ce délire si intense, si général, avait adopté pour mot d’ordre le nom d’un Pape!..
Que de fois le pauvre prêtre chrétien au fond de sa retraite n’a-t-il pas dû frémir au bruit de cette orgie dont on le faisait le dieu! Que de fois ces vociférations d’amour, ces convulsions d’enthousiasme n’ont-elles pas dû porter la consternation et le doute dans l’âme de ce chrétien livré en proie à cette effrayante popularité!
Ce qui surtout devait le consterner, lui, le Pape, c’est qu’au fond de cette popularité immense, à travers toute cette exaltation des masses, quelque effrénée qu’elle fût, il ne pouvait méconnaître un calcul et une arrière-pensée.
C’était la première fois que l’on affectait d’adorer le Pape en le séparant de la Papauté. Ce n’est pas assez dire: tous ces hommages, toutes ces adorations ne s’adressaient à l’homme que parce que l’on espérait trouver en lui un complice contre l’institution. En un mot, on voulait fêter le Pape en faisant un feu de joie de la Papauté. Et ce qu’il y avait de particulièrement redoutable dans cette situation, c’est que ce calcul, cette arrière-pensée n’étaient pas seulement dans l’intention des partis, ils se retrouvaient aussi dans le sentiment instinctif des masses. Et rien assurément ne pouvait mieux mettre à nu toute la fausseté et toute l’hypocrisie de la situation que de voir l’apothéose décernée au chef de l’Eglise Catholique, au moment même où la persécution se déchaînait plus ardente que jamais contre l’ordre des Jésuites.
L’institution des Jésuites sera toujours un problème pour l’Occident. C’est encore là une de ces énigmes dont la clef est ailleurs. On peut dire avec vérité que la question des Jésuites tient de trop près à la conscience religieuse de l’Occident pour qu’il puisse jamais la résoudre d’une manière entièrement satisfaisante.
En parlant des jésuites, en cherchant à les soumettre à une appréciation équitable, il faut commencer par mettre hors de cause tous ceux (et leur nom est légion) pour qui le mot de jésuite n’est plus qu’un mot de passe, un cri de guerre. Certes, de toutes les apologies que l’on a essayées en faveur de cet ordre, il n’en est pas de plus éloquente, de plus convaincante que la haine, cette haine furieuse et implacable que lui ont vouée tous les ennemis de la Religion Chrétienne. Mais, ceci admis, on ne saurait se dissimuler que bien des catholiques romains les plus sincères, les plus dévoués à leur Eglise, depuis Pascal jusqu’à nos jours, n’ont cessé de génération en génération de nourrir une antipathie déclarée insurmontable contre cette institution. Cette disposition d’esprit dans une fraction considérable du monde catholique constitue peut-être une des situations les plus réellement saisissantes et les plus tragiques où il soit donné à l’âme humaine de se trouver placée.