Том 4. Письма, 1820-1849 - страница 24
ne s’est autrement ressentie de la disposition générale, et le moral s’est maintenu tout aussi intact. En dépit de ses démonstrations multipliées, le choléra n’a pas réussi à faire la moindre impression sur nous. Voilà six ans que j’en ai les oreilles rabattues, et sa présence à Munich n’est pas parvenu à le rafraîchir à mes yeux. Mais je suis plus sensible à ses effets indirects. Munich qui n’est jamais rien divertissant est maintenant d’une tristesse et d’un ennui dont il serait difficile de se faire une idée. C’est comme un homme naturellement insipide et maussade qui aurait la migraine. On s’attendait à quelque fête pour l’arrivée du Roi Othon et de sa jeune femme. Mais le choléra les a empêchés de venir à Munich. Ils sont allés prendre congé de leurs parents au château de Tegernsee>* à 18 lieues d’ici.
Vous savez mon histoire. J’avais demandé un congé pour aller passer cet hiver avec vous. Mais quand ce congé est arrivé, le Prince Gagarine m’a demandé avec instance de différer jusqu’au printemps pour en faire usage. Et certes, il m’eût été difficile de le laisser seul dans l’état où il est. Depuis trois mois il dépérit à vue d’œil. Il n’a pas bougé de sa chambre depuis l’entrée de l’hiver, et maintenant c’est à peine s’il quitte son lit. C’est un homme qui s’en va à grands pas. Je doute fort qu’il puisse traîner jusqu’au printemps. Sa femme qui est revenue ces jours-ci de Paris a été effrayée de l’état dans lequel elle l’a trouvé. Pauvre cher homme. Il me fait une peine réelle. Il meurt cassé, blasé et endetté. C’est expier durement quelque bon moment de sa vie. Vous comprenez que dans ces circonstances toute la besogne roule plus que jamais sur moi seul et si je pouvais encore prendre quelqu’intérêt aux affaires, je me félicitais assurément de la complaisance que j’ai eu de rester.
Voilà depuis six semaines le second courrier que nous expédions au Ministère et quelque nulle que puisse être la valeur de l’expédition, encore fallait-il quelqu’un pour s’en occuper. Ma destinée à cette mission est assez étrange. Il m’était réservé de survivre ici à tout le monde et de ne recueillir la succession de personne. Mais qu’importe? Je m’estimerais heureux, si c’était là mon plus gros souci… Je viens d’écrire à Krüdener>*. Il connaît ma position à fond, et dans ces derniers temps il en a donné des preuves réelles de son amitié et de son zèle à me servir. Il est possible que dans l’occasion il fasse valoir mon droit auprès du Mr le Vice-Chancelier. Mais après tout que pourrait-il lui apprendre? Mr le Vice-Chancelier m’écrit des lettres charmantes et s’est plus d’une fois exprimé sur mon compte de la manière la plus aimable. Si donc il ne fait rien pour moi, il faut que cela vienne à d’autres raisons. Il s’imagine peut-être qu’une affection aussi sincère que celle qu’il me porte, n’a pas besoin de témoignages extérieurs>*.
J’ai eu ces jours-ci une lettre de Nicolas>*. Oui, une lettre autographe — une lettre de 4 pages. C’était la première depuis 8 mois. Vous pensez si elle m’a fait plaisir. Sa bonne vieille amitié s’y est retrouvée toute entière, cette bonne vieille affection qui sera la même dans mille ans — qui parle peu, il est vrai, mais qui n’en pense pas moins. Je lui pardonne bien volontiers des torts que je partage et dont j’ai fini par prendre mon parti, comme de mes hémorroïdes quelque gênant qu’ils puissent.
Vos dernières lettres, chère maman et chère Dorothée, m’ont fait aussi bien grand plaisir. J’en attends une de papa pour l’en remercier. Ce que vous me dites, ma chère Dorothée, du bonheur de votre intérieur, me rend votre mari>* bien cher et ajoute beaucoup à l’impatience que j’éprouve de le lui dire. En attendant dites-le-lui de ma part.
Maintenant il vous reste encore une bonne nouvelle à m’annoncer, et celle-là, je l’espère, ne se fera pas attendre.
Voyez-vous quelquefois Madame de Krüdener? J’ai quelques raisons de supposer qu’elle n’est pas aussi heureuse dans sa brillante position que je l’eusse désiré. Pauvre chère et excellente femme. Elle ne sera jamais aussi heureuse qu’elle le mérite. Demandez-lui quand vous la verrez, si elle se doute encore que je suis au monde. Munich est bien changé depuis son départ. Et J