Том 4. Письма, 1820-1849 - страница 46

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Telles avaient été mes idées, et je n’ai pas besoin de vous dire, Monsieur le Comte, combien à l’arrivée de ma femme j’ai été heureux d’apprendre par elle qu’en adoptant ce parti je n’avais fait que pressentir les propres intentions de Votre Excellence et me conformer par avance à ses volontés.

Depuis une conversation, que j’ai eue avec Mad. d’Obrescoff à son retour de Berlin, m’a de nouveau rendu incertain sur ce que j’avais à faire. Mad. d’Obrescoff m’a assuré que, dans l’audience que S M l’Empereur a daigné lui accorder, Sa Majesté avait déclaré que sa volonté était que dès à présent, et même avant la publication du règlement, le costume national fût de rigueur — et même elle a ajouté qu’il lui avait été enjoint de me faire savoir que c’est dans ce costume que la présentation à la cour de Turin devait avoir lieu…

Assurément, Monsieur le Comte, je suis loin de reconnaître aux paroles de Mad. d’Obrescoff un caractère officiel. — Toutefois ses assertions sont si formelles, si positives, et, d’autre part, la seule possibilité que telle fût en effet la volonté de S M l’Empereur est d’un si grand poids à mes yeux que je me vois obligé, bien qu’à regret, de supplier Votre Excellence de m’accorder la faveur d’un mot de réponse, pour fixer mes incertitudes et me prescrire la marche que j’ai définitivement à suivre.

Si Votre Excellence jugeait qu’en effet l’ancien costume ne fût plus de mise, eh bien, je tâcherai de gagner du temps et de différer la présentation jusqu’après la publication du nouveau règlement. Alors il faudra bien que la question se décide d’une manière ou d’autre.

Mais avant tout, Monsieur le Comte, j’attends de la bienveillante équité de Votre Excellence qu’elle me fera la grâce et la justice de croire que rien n’égale la peine et la confusion que j’éprouve d’avoir à l’entretenir de semblables détails. Je subis, en gémissant, une nécessité que je n’ai point créée, mais dont j’ai hérité…

Quant à la partie sérieuse des rapports de notre mission avec la cour de Turin, je n’ai pas besoin de vous assurer, Monsieur le Comte, que je ne cesserai de suivre avec une invariable fidélité les recommandations que Votre Excellence a bien voulu m’adresser l’année dernière, à mon départ de St-Pétersbourg. Je sais le prix que notre cour met à entretenir de bons rapports avec celle de Turin et, je dois le dire, les dispositions que j’ai trouvées ici sont de nature à me faciliter singulièrement l’accomplissement de cette tâche. Car, en dépit de ce puéril différend qu’il eût été si facile d’éviter, les dispositions de cette cour à notre égard sont, il faut le dire, les plus satisfaisantes possibles. Les grandes qualités de l’Empereur sont en profonde et générale vénération ici, comme partout où prévaut un principe d’ordre et de conservation. Les services, rendus par la Russie à la Maison Régnante, sont rappelés en toute occasion avec une franchise de reconnaissance qui ne laisse rien à désirer>*. En un mot, sympathie d’opinion aussi bien que l’intelligence de ses intérêts les plus évidents, tout nous rattache cette cour — et si, dans la position donnée, il n’y a aucun mérite à maintenir les rapports sur le meilleur pied possible, il y aurait, par contre, un insigne maladresse ou une fatalité décidée à amener dans ces rapports ne fût-ce que l’apparence de la tiédeur ou de l’indifférence.

Me serait-il permis d’ajouter à l’appui de ce que je viens de dire une particularité qui m’est personnelle? C’est à votre bienveillance éprouvée, Monsieur le Comte, que je livre ma pensée dans toute sa candeur… Depuis mon arrivée à Turin, aussi bien qu’au plus fort de la fameuse querelle, je n’ai cessé un instant de recevoir de la part de toute la société d’ici, et plus particulièrement encore des personnes haut placées à la cour et dans le gouvernement, un accueil tellement gracieux, tellement empressé, si fort en dehors des habitudes de réserve, que l’on attribue au caractère piémontais, que par son exagération même cet accueil a complètement désintéressé ma vanité, en me forçant de n’y voir que ce qu’il y avait en effet, c’est-à-dire l’expression d’une sympathie politique qui, ne sachant où se prendre, s’adressait, faute de mieux, à mon humble individu.