Том 3. Публицистические произведения - страница 23

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Non, c’est impossible. Des pressentiments de mille ans ne trompent point. La Russie, pays de foi, ne manquera pas de foi dans le moment suprême. Elle ne s’effraiera pas de la grandeur de ses destinées et ne reculera pas devant sa mission.

Et quand donc cette mission a-t-elle été plus claire et plus évidente? On peut dire que Dieu l’écrit en traits de feu sur ce Ciel tout noir de tempêtes. L’Occident s’en va, tout croule, tout s’abîme dans une conflagration générale, l’Europe de Charlemagne aussi bien que l’Europe des traités de 1815; la papauté de Rome et toutes les royautés de l’Occident; le Catholicisme et le Protestantisme; la foi depuis longtemps perdue et la raison réduite à l’absurde; l’ordre désormais impossible, la liberté désormais impossible, et sur toutes ces ruines amoncelées par elle, la civilisation se suicidant de ses propres mains…

Et lorsque au-dessus de cet immense naufrage nous voyons comme une Arche Sainte surnager cet Empire plus immense encore, qui donc pourrait douter de sa mission, et serait-ce à nous, ses enfants, à nous montrer sceptiques et pusillanimes?..

12 avril 1848

La question Romaine>*

Si, parmi les questions du jour ou plutôt du siècle, il en est une qui résume et concentre comme dans un foyer toutes les anomalies, toutes les contradictions et toutes les impossibilités contre lesquelles se débat l’Europe Occidentale, c’est assurément la question romaine.

Et il n’en pouvait être autrement, grâce à cette inexorable logique que Dieu a mise, comme une justice cachée, dans les événements de ce monde. La profonde et irréconciliable scission qui travaille depuis des siècles l’Occident, devait trouver enfin son expression suprême, elle devait pénétrer jusqu’à la racine de l’arbre. Or, c’est un titre de gloire que personne ne contestera à Rome: elle est encore de nos jours, comme elle l’a toujours été, la racine du monde occidental. Il est douteux toutefois, malgré la vive préoccupation que cette question suscite, qu’on se soit rendu un compte exact de tout ce qu’elle contient.

Ce qui contribue probablement à donner le change sur la nature et sur la portée de la question telle qu’elle vient de se poser, c’est d’abord la fausse analogie de ce que nous avons vu arriver à Rome avec certains antécédents de ses révolutions antérieures; c’est aussi la solidarité très réelle qui rattache le mouvement actuel de Rome au mouvement général de la révolution européenne. Toutes ces circonstances accessoires, qui paraissent expliquer au premier abord la question romaine, ne servent en réalité qu’à en dissimuler la profondeur.

Non, certes, ce n’est pas là une question comme une autre — car non seulement elle touche à tout dans l’Occident, mais on peut même dire qu’elle le déborde.

On ne serait assurément pas accusé de soutenir un paradoxe ou d’avancer une calomnie en affirmant qu’à l’heure qu’il est, tout ce qui reste encore de Christianisme positif à l’Occident, se rattache, soit explicitement, soit par des affinités plus ou moins avouées, au Catholicisme Romain dont la Papauté, telle que les siècles l’ont faite, est évidemment la clef de voûte et la condition d’existence.

Le Protestantisme avec ses nombreuses ramifications, après avoir fourni à peine une carrière de trois siècles, se meurt de décrépitude dans tous les pays où il avait regné jusqu’à présent, l’Angleterre seule exceptée; — ou s’il révèle encore quelques éléments de vie, ces éléments aspirent à rejoindre Rome. Quant aux doctrines religieuses qui se produisent en dehors de toute communauté avec l’un ou l’autre de ces deux symboles, ce ne sont évidemment que des opinions individuelles.

En un mot: la Papauté — telle est la colonne unique qui soutient tant bien que mal en Occident tout ce pan de l’édifice chrétien resté debout après la grande ruine du seizième siècle et les écroulements successifs qui ont eu lieu depuis. Maintenant c’est cette colonne que l’on se dispose à attaquer par sa base.

Nous connaissons fort bien toutes les banalités, tant de la presse quotidienne que du langage officiel de certains gouvernements, dont on a l’habitude de se servir pour masquer la réalité: on ne veut pas toucher à l’institution religieuse de la Papauté, — on est à genoux devant elle, — on la respecte, on la maintiendra, — on ne conteste même pas à la Papauté son autorité temporelle, — on prétend seulement en modifier l’exercice. On ne lui demandera que des concessions reconnues indispensables et on ne lui imposera que des réformes parfaitement légitimes. Il y a dans tout ceci passablement de mauvaise foi et surabondamment d’illusions.