Том 3. Публицистические произведения - страница 24

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Il y a certainement de la mauvaise foi, même de la part des plus candides, à faire semblant de croire que des réformes sérieuses et sincères, introduites dans le régime actuel de l’Etat Romain, puissent ne pas aboutir dans un temps donné à une sécularisation complète de cet Etat.

Mais la question n’est même pas là: la véritable question est de savoir au profit de qui se ferait cette sécularisation, c’est-à-dire quels seront: la nature, l’esprit et les tendances du pouvoir auquel vous remettriez l’autorité temporelle après en avoir dépouillé la Papauté? — Car, vous ne sauriez vous le dissimuler, c’est sous la tutelle de ce nouveau pouvoir que la Papauté serait désormais appelée à vivre.

Et c’est ici que les illusions abondent. Nous connaissons le fétichisme des Occidentaux pour tout ce qui est forme, formule et mécanisme politique. Ce fétichisme est devenu comme une dernière religion de l’Occident; mais, à moins d’avoir les yeux et l’esprit complètement fermés et scellés a toute expérience comme à toute évidence, comment, après ce qui vient de se passer, parviendrait-on encore à se persuader que dans l’état actuel de l’Europe, de l’Italie, de Rome, les institutions libérales ou semi-libérales que vous aurez imposées au Pape resteraient longtemps aux mains de cette opinion moyenne, modérée, mitigée, telle que vous vous plaisez à la rêver dans l’intérêt de votre thèse, qu’elles ne seraient point promptement envahies par la révolution et transformées aussitôt en machines de guerre pour battre en brèche, non pas seulement la souveraineté temporelle du Pape, mais bien l’institution religieuse elle-même. Car vous auriez beau recommander au principe révolutionnaire, comme l’Eternel à Satan, de ne molester que le corps du fidèle Job sans toucher à son âme, soyez bien convaincus que la révolution, moins scrupuleuse que l’ange des ténèbres, ne tendrait nul compte de vos injonctions.

Toute illusion, toute méprise à cet égard sont impossibles pour qui a bien réellement compris ce qui fait le fond du débat qui s’agite en Occident — ce qui en est devenu depuis des siècles la vie même; vie anormale mais réelle, maladie qui ne date pas d’hier et qui est toujours encore en voie de progrès. Et s’il se rencontre si peu d’hommes qui ont le sentiment de cette situation, cela prouve seulement que la maladie est déjà bien avancée.

Nul doute, quant à la question romaine, que la plupart des intérêts qui réclament des réformes et des concessions de la part du Pape sont des intérêts honnêtes, légitimes et sans arrière-pensée; qu’une satisfaction leur est due et que même elle ne saurait leur être plus longtemps refusée. Mais telle est l’incroyable fatalité de la situation, que ces intérêts d’une nature toute locale et d’une valeur comparativement médiocre dominent et compromettent une question immense. Ce sont de modestes et inoffensives habitations de particuliers situées de telle sorte qu’elles commandent une place de guerre et, malheureusement, l’ennemi est aux portes.

Car encore une fois la sécularisation de l’Etat romain est au bout de toute réforme sincère et sérieuse qu’on voudrait y introduire, et d’autre part la sécularisation dans les circonstances présentes ne serait qu’un désarmement devant l’ennemi — une capitulation…

Eh bien, qu’est-ce à dire? que la question romaine posée dans ces termes est tout bonnement un labyrinthe sans issue; que l’institution papale par le développement d’un vice caché en est arrivée après une durée de quelques siècles à cette période de l’existence où la vie, comme on l’a dit, ne se faisait plus sentir que par une difficulté d’être? Que Rome qui a fait l’Occident à son image se trouve comme lui acculée à une impossibilité? Nous ne disons pas le contraire…

Et c’est ici qu’éclate visible comme le soleil cette logique providentielle qui régit comme une loi intérieure les événements de ce monde.

Huit siècles seront bientôt révolus depuis le jour où Rome a brisé le dernier lien qui la rattachait à la tradition orthodoxe de l’Eglise universelle. — Ce jour-là Rome en se faisant une destinée à part a décidé pour des siècles de celle de l’Occident.